Le présent guide ne contient que des renseignements généraux. Il ne constitue pas des conseils juridiques au sujet de votre situation. Le présent guide ne saurait remplacer les travaux de recherche et d’analyse et le jugement d’un avocat. Le présent guide entre en vigueur à compter de la date de sa publication (janvier 2021). Vous devez savoir que les lois et procédures relatives au Code des droits de la personne (Code) et au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) peuvent être modifiées sans préavis.
Lorsqu’un requérant dépose une requête (formulaire 1 ou formulaire 1G) devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) en vertu du Code des droits de la personne (Code), la section 8 de la requête demande quelles réparations le requérant souhaite que le TDPO ordonne à l’encontre de l’intimé. Le terme de réparations signifie les résultats que vous souhaitez obtenir du TDPO.
Le principe directeur en matière des droits de la personne est que les réparations pour discrimination ou harcèlement doivent placer le requérant dans la situation qui aurait été la sienne si la discrimination n’avait pas eu lieu. Voir, par exemple, l’affaire Ontario Human Rights Commission v. Impact Interiors Inc., 1998 CanLII 17685 (ON CA).
L’article 45.2 du Code confère au TDPO les vastes pouvoirs de rendre des ordonnances et d’accorder des réparations. Le pouvoir du TDPO d’accorder des réparations a deux objectifs principaux : fournir une indemnité compensatrice à un requérant et prévenir d’autres actes de discrimination en favorisant le respect du Code à l’avenir.
Le versement de dommages-intérêts décidé par le TDPO vise à encourager le respect des droits de la personne, à conférer une responsabilité suffisante pour que les contrevenants au Code soient dissuadés de l’ignorer et également à offrir davantage qu’une simple compensation symbolique.
Vous pouvez visiter le site Web du Tribunal des droits de la personne pour accéder au Guide du requérant, au formulaire de requête et à d’autres renseignements concernant les procédures, les politiques et les pratiques du TDPO. Vous trouverez aussi une description facile à comprendre de la procédure du TDPO sur le site Web suivant : Guide en langage simple.
Le TDPO peut ordonner trois (3) types de réparations si une discrimination ou un harcèlement en vertu du Code s’avère :
- A) une indemnité compensatrice
b) des réparations non financières
c) des réparations d’intérêt pulic
Chacun de ces principaux types de réparation est examiné en détail ci-dessous.
Le TDPO peut ordonner deux (2) types d’indemnité compensatrice :
- une somme d’argent pour dédommager de façon générale la perte du droit de ne pas subir de la discrimination ou du harcèlement en vertu du Code, y compris l’atteinte à la dignité, au respect de soi et aux sentiments (*dommages-intérêts généraux);
- une somme d’argent destinée à compenser les dépenses ou les coûts financiers particuliers occasionnés par la discrimination ou le harcèlement (*dommages-intérêts spéciaux).
Les dommages-intérêts généraux sont destinés à indemniser financièrement un requérant pour atteinte à sa dignité, à ses sentiments et à son respect de soi résultant d’une discrimination ou d’un harcèlement. Ils visent à compenser la violation du Code et les répercussions personnelles de cette violation sur le requérant.
Dans l’affaire Arunachalam v. Best Buy Canada, 2010 HRTO 1880 (CanLII), le TDPO a résumé les principes juridiques sur lesquels sont accordés les dommages-intérêts généraux. Deux critères sont généralement appliqués : 1) la gravité objective de la conduite et 2) l’incidence personnelle sur le requérant qui a subi la discrimination.
Le premier critère reconnaît que la gravité de l’atteinte à la dignité, aux sentiments et au respect de soi dépend généralement des circonstances objectives. Le second critère tient compte de l’expérience précise de la personne qui est victime de discrimination ou de harcèlement.
Certaines des considérations pertinentes liées au second critère et aux répercussions ou à l’incidence personnelles sur le requérant sont examinées dans l’affaire Sanford v. Koop, 2005 HRTO 53 (CanLII) et peuvent comprendre l’un des éléments suivants :
- Humiliation subie
- Vexations subies
- Perte du respect de soi
- Perte de dignité
- Perte de l’estime de soi
- Perte de confiance en soi
- Expérience de victimisation
- Vulnérabilité du requérant
- Gravité, fréquence et durée du traitement offensant
Les dommages-intérêts spéciaux sont destinés à vous indemniser pour des sommes perdues ou des dépenses encourues ou encore pour des sommes que vous avez été contraint de dépenser en raison de la discrimination ou du harcèlement.
Ce type de réparation financière vise à vous remettre dans la situation financière qui aurait été la vôtre si la discrimination ou le harcèlement n’avait pas eu lieu au départ.
Vous pouvez réclamer différents types de dommages-intérêts spéciaux selon que la discrimination ou le harcèlement s’est produit dans le cadre d’un emploi, d’un logement ou d’un autre domaine social couvert par le Code.
Chaque cas est différent. Demandez-vous si vous avez dû payer quelque chose ou si vous avez perdu un objet ayant une valeur monétaire à cause de la discrimination. Si c’est le cas, vous pouvez inclure ce coût dans la réparation financière que vous demandez dans la requête.
Dans une requête pour discrimination sur le lieu de travail (voir l’article 5 du Code), vous pourriez demander une indemnité compensatrice si vous avez subi l’une ou l’autre des pertes suivantes :
- une perte de revenu ou de salaire (p.ex., si vous avez été congédié pour une raison discriminatoire et que vous avez eu du mal à trouver un autre emploi);
- une perte de prestations (p. ex., des prestations de longue durée pour handicap, des prestations pour soins de santé ou médicaments, etc.);
- une perte des primes ou une commission que vous auriez perçue si vous n’aviez pas été victime de discrimination;
- la différence de revenu entre un ancien emploi (où vous avez été victime de discrimination) et un nouvel emploi (que vous avez trouvé après la discrimination);
- une perte d’avantages liés à l’emploi qui sont prévus par la loi (p. ex., des prestations de maternité en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi);
- des dépenses personnelles (telles que les frais de recherche d’emploi ou les frais de réinstallation).
Dans une requête d’indemnisation pour discrimination en matière de logement (voir l’article 2 du Code), vous pouvez demander une indemnité compensatrice pour couvrir les coûts suivants :
- l’avance de loyer que vous avez versée au propriétaire qui a fait preuve de discrimination à votre égard;
- vos frais de déménagement si vous avez été contraint de déménager à cause de la discrimination ou du harcèlement; ou
- la différence de loyer entre votre ancien logement (où vous avez été victime de discrimination ou de harcèlement) et votre nouveau logement (que vous avez trouvé après la discrimination) si votre nouveau loyer est plus élevé.
Vous devez remplir la section 8 de la requête en donnant le plus de détails possible sur le montant que vous souhaitez obtenir, y compris sur la manière dont vous avez calculé ce montant.
Pour déterminer le montant de votre réparation financière, vous devrez additionner le montant des dommages-intérêts généraux et celui des dommages-intérêts spéciaux.
Le TDPO n’accorde pas de dommages-intérêts généraux selon une norme précise. Il n’existe pas une seule et unique réponse à la question relative au montant qui est raisonnable. En effet, chaque cas et chaque requérant sont uniques et le TDPO décide de l’indemnisation appropriée en fonction des éléments probants, du droit et des représentations exposés dans chaque cas.
Dans certains cas, la violation du Code est relativement peu importante. Voir, par exemple, l’affaire Kovacs v. Inscan Contractors, 2010 HRTO 810 (CanLII). Dans d’autres cas, en revanche, la violation du Code peut être importante et l’incidence sur le requérant grave. Voir, par exemple l’affaire A.B. v. Joe Singer Shoes Limited, 2018 HRTO 107 (CanLII).
Le montant des dommages-intérêts spéciaux qui peuvent être accordés par le TDPO dépend à nouveau des circonstances de l’affaire en particulier. Il est utile de présenter quelques exemples. Ainsi, si vous avez perdu votre emploi à cause d’un incident de discrimination, vous devez calculer le montant de revenu que vous auriez dû gagner pour chaque semaine où vous n’avez pas travaillé.
Par exemple, si vous gagnez 15 $ de l’heure et que vous avez été en arrêt de travail pendant 10 semaines, vous devez demander :
- 15 $ de l’heure x 35 heures par semaine x 10 semaines = 5 250 $.
Si vous êtes encore au chômage, vous ne pourrez pas donner un montant chiffré définitif. Vous pouvez remplir le formulaire en demandant une perte de salaire à raison de 15 $ de l’heure x 35 heures par semaine.
Si un propriétaire a refusé de vous louer un appartement pour une raison discriminatoire et que, par conséquent, vous avez dû louer un appartement plus cher, vous pouvez demander la différence de loyer pour une période raisonnable. Si vous avez été expulsé pour une raison discriminatoire, vous pouvez également demander le remboursement de vos frais de déménagement.
Par exemple, si la différence de loyer est de 200 $ par mois, vous pouvez réclamer :
- 200 $ x 12 mois = 2 400 $
- Frais de camion de déménagement = 840 $
Il est parfois difficile d’inscrire un montant définitif et exact dans la requête. Il est parfois trop tôt pour connaître l’ensemble des répercussions financières de la discrimination. Dans ce cas, vous pouvez remplir la requête en indiquant au TDPO les raisons de votre réclamation de dommages-intérêts spéciaux.
Par exemple, vous pouvez indiquer le montant mensuel de votre perte de salaire ou de l’augmentation de votre loyer. Indiquez dans votre requête que vous demandez une indemnité compensatrice de ce montant mensuel à partir de la date de la discrimination jusqu’à la date à laquelle le TDPO statue sur la requête.
Oui. Bien qu’un requérant ait le droit de demander une indemnité compensatrice pour ses pertes financières, il a également le devoir et l’obligation, en vertu du Code, de réduire ses pertes financières.
Cela signifie qu’un requérant doit s’efforcer activement de réduire l’ampleur des pertes financières résultant de la discrimination ou du harcèlement en faisant le nécessaire pour limiter les pertes. Un requérant n’a le droit d’être indemnisé que pour les pertes inévitables.
Par exemple, si vous êtes congédié, vous avez l’obligation de chercher un autre emploi à un niveau de salaire similaire. Voir, par exemple, l’affaire McCreary v 407994 Ontario, 2010 HRTO 2369 (CanLII) où le TDPO a statué qu’un requérant a l’obligation de réduire ses pertes en faisant des efforts raisonnables pour obtenir un autre emploi satisfaisant.
Si l’on vous a refusé la location d’un appartement, vous devriez chercher un appartement de taille similaire et dont le loyer est d’un montant mensuel similaire.
Si vous ne vous efforcez pas de limiter vos pertes financières, le TDPO peut réduire le montant de l’indemnité compensatrice qu’il vous accordera.
Par exemple, le TDPO ne vous accordera probablement pas d’indemnité pour perte de salaire si vous avez refusé une offre d’emploi raisonnable.
Il est très important de documenter les efforts que vous avez déployés pour limiter vos pertes. Conservez des copies de vos demandes d’emploi et de vos recherches ainsi que des contacts que vous avez établis, dans la mesure du possible. S’il s’agit d’une discrimination en matière de logement, conservez une trace de vos recherches de logement.
Oui. Le TDPO peut ordonner le versement d’intérêts au taux établi pour les litiges civils dans le système judiciaire de l’Ontario, en vertu de dispositions législatives provinciales appelées Loi sur les tribunaux judiciaires.
Le TDPO peut ordonner le versement d’intérêts antérieurs ou postérieurs au jugement sur toute somme d’argent qui vous est accordée, y compris les dommages-intérêts généraux et les dommages-intérêts spéciaux.
Les intérêts postérieurs au jugement sont généralement calculés à partir de la date de l’ordonnance du TDPO jusqu’à ce que le paiement intégral soit effectué.
Les intérêts antérieurs au jugement sont plus complexes. Le TDPO peut traiter différemment les dommages-intérêts généraux et les dommages-intérêts spéciaux.
Le TDPO peut également ordonner à l’intimé de prendre des mesures qui vous remettront dans la position dans laquelle vous auriez été si la discrimination ou le harcèlement n’avait pas eu lieu.
Par exemple, dans une situation liée à l’emploi, le TDPO peut, selon les circonstances de l’affaire, ordonner :
- la réintégration dans votre emploi;
- une promotion;
- une offre d’emploi;
- le retrait d’un harceleur de votre environnement de travail;
- des lettres d’assurance de l’observation du Code à l’avenir; ou
- une lettre de recommandation.
Si vous avez été victime d’une discrimination en matière de logement ou d’utilisation d’un service, vous pouvez demander différentes réparations non financières.
Par exemple, si un propriétaire a refusé de vous louer un appartement pour une raison discriminatoire, le TDPO peut ordonner au propriétaire de vous autoriser à louer le prochain appartement disponible dans son immeuble.
La disposition 3 du paragraphe 45.2(1) du Code autorise le TDPO à rendre une ordonnance enjoignant à toute partie de prendre les mesures qui, de l’avis du TDPO, s’imposent pour favoriser le respect du Code.
Le TDPO peut donc ordonner un large éventail de réparations d’intérêt public. Celles-ci visent à avoir une incidence sur bien plus de gens que la seule personne qui dépose une requête pour atteinte aux droits de la personne et sur la personne ou l’organisation qui y répond.
Les réparations d’intérêt public peuvent avoir une incidence éducative, en permettant à d’autres intimés potentiels et au public de mieux comprendre la législation sur les droits de la personne en Ontario.
Les réparations d’intérêt public ont souvent pour but d’empêcher qu’une discrimination similaire ne se reproduise à l’avenir. Le TDPO pourrait, par exemple, ordonner à un intimé :
- de modifier ses pratiques d’embauche;
- d’élaborer des politiques et des procédures non discriminatoires;
- d’élaborer des procédures internes de dépôt de plaintes relatives aux droits de la personne;
- de mettre en œuvre des mesures proactives (p. ex., une politique de recrutement visant à éliminer les obstacles pour les minorités raciales);
- de mettre en œuvre des programmes d’éducation et de formation (p. ex., faire en sorte que l’ensemble du personnel reçoive une formation sur la politique en matière des droits de la personne);
- de publier un extrait de la décision dans le bulletin d’information de l’entreprise;
- d’afficher le Code sur le lieu de travail;
- d’exiger d’une entreprise de gestion immobilière qu’elle envoie un mémorandum sur le Code à tous ses surintendants ou agents;
- de faire un don à une organisation caritative; ou
- de veiller à ce que l’intimé d’une organisation dispense une formation sur le racisme lors de la réunion annuelle.
Voir, par exemple, l’affaire McWilliam v. Toronto Police Services Board, 2020 HRTO 574 (CanLII), où le TDPO a ordonné à la Commission de services policiers de Toronto (CSPT) de concevoir et de mettre en œuvre plusieurs réparations d’intérêt public concernant la formation, les stratégies et les politiques des services de police en matière de droits de la personne.
Non. Le TDPO n’a pas compétence pour accorder des frais de justice à une partie. Voir, par exemple, l’affaire M.O. v. Ottawa Catholic District School Board, 2011 HRTO 1174 (CanLII).
Les Règles de procédure du TDPO prévoient que les réparations peuvent être modifiées ou affinées après le dépôt d’une requête. Voir, par exemple, l’affaire Christianson v. Windsor Police Services, 2009 HRTO 1787 (CanLII).
Dans certains cas, le TDPO n’exige pas que le requérant présente une demande d’ordonnance dans le cadre d’une instance formelle (RODP – formulaire 10) pour examiner une demande de modification des réparations demandées à la section 8.
Toutefois, il est prudent et conseillé de faire une demande officielle d’ordonnance dans le cadre d’une instance afin de faire en sorte qu’il existe une trace de votre requête et de donner à l’intimé la possibilité de présenter des plaidoiries en réponse à votre requête. Pour accorder une modification , le TDPO prend en compte plusieurs facteurs, notamment le stade de la procédure auquel la demande de modification est faite, la nature de la modification et l’absence de tout préjudice apparent pour l’intimé. Voir, par exemple, l’affaire Soni v. Hilton Suites Toronto/Markham Centre and Spa, 2016 HRTO 287 (CanLII).
Oui. La compétence du TDPO en matière de réparations ne se limite pas à choisir parmi les réparations demandées par les parties. Le TDPO a le pouvoir d’accorder les réparations qu’il juge les plus appropriées dans les circonstances de la requête.
En vertu du paragraphe 45.2(2) du Code, le TDPO peut rendre une ordonnance visant à favoriser l’observation du Code à l’avenir, même si une telle ordonnance n’a pas été demandée. Voir, par exemple, l’affaire Conklin v. Ron Joyce Jr. Enterprises Ltd. (Tim Horton’s), 2017 HRTO 723 (CanLII).
Lorsqu’un requérant obtient gain de cause dans une requête déposée en vertu du Code, l’ordonnance du TDPO peut ressembler à celle décrite ci-dessous.
LE TRIBUNAL ORDONNE QUE :
a) Les intimés doivent verser 5000 $ au requérant à titre d’indemnité compensatrice pour atteinte à la dignité, aux sentiments et au respect de soi. Des intérêts postérieurs au jugement seront dus sur ce montant à compter de la date du présent jugement, conformément au taux fixé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires;
b) Les intimés doivent verser 4 276 $ au requérant à titre d’indemnité compensatrice pour la perte de salaire. Des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement seront dus sur ce montant, à compter de septembre 2009, conformément au taux fixé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires;
c) L’intimé est tenu de fournir une copie de cette décision à tous les employés et administrateurs actuels qui ont le pouvoir de mener des enquêtes en vertu de sa politique et de ses procédures en matière de droits de la personne;
d) L’intimé est tenu de revoir et de modifier ses politiques en matière de ressources humaines afin d’établir un processus d’enquête sur les violations potentielles des droits de la personne qui soit conforme aux lignes directrices de la Commission ontarienne des droits de la personne portant sur l’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne;
e) L’intimé doit distribuer la nouvelle politique en matière de droits de la personne et les procédures modifiées à tous les employés; et
f) L’intimé affichera publiquement une copie du Code et de sa politique dans l’aire de réception.