Ontario c. Trinity Bible Chapel, 2022 ONSC 1344

Deux églises de l’Ontario, la Trinity Bible Chapel et la Church of God (Restoration) (les « Églises »), ont déposé une requête pour annuler trois ordonnances judiciaires ordonnant le respect des limites de capacité imposées aux rassemblements religieux par la province de l’Ontario. Citant le paragraphe 2 a) de la Charte, qui garantit la liberté de religion, les Églises faisaient valoir que lesdites restrictions étaient inconstitutionnelles. Les Églises faisaient valoir que limiter le nombre de personnes pouvant assister à leurs services religieux portait atteinte à leur capacité de pratiquer leur foi, laquelle exige une participation de tous leurs membres, régulièrement et en personne, à la prière, aux chants et aux rituels communs.

L’Ontario répondait qu’en effet, limiter la participation aux rassemblements religieux violait le paragraphe 2 a) de la Charte, mais soutenait que ces restrictions étaient justifiables en vertu de l’article 1, qui stipule que les droits et libertés énoncés dans la Charte peuvent être restreints dans des « limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

L’Ontario soutenait que les rassemblements religieux présentaient un plus grand risque que d’autres activités réalisées en personne, comme le magasinage dans des magasins de détail essentiels, lesquels étaient autorisés à continuer d’exercer leurs activités avec des limites de capacité plus élevées. En effet, les rassemblements religieux font en sorte que des foules de personnes arrivent dans des lieux et les quittent en même temps, puis qu’elles se regroupent pendant des périodes beaucoup plus longues que les personnes qui magasinent au détail. En outre, prier à haute voix ou chanter en groupe pose des risques de transmission particuliers qui n’existent pas dans le cadre d’autres activités.

L’Ontario faisait valoir que les restrictions étaient nécessaires compte tenu de l’urgence de santé publique sans précédent. Elles n’avaient été mises en place que pendant de brèves périodes, alors que les taux d’infection communautaire et les fardeaux imposés au système de santé public étaient à leur niveau le plus élevé.

L’arrêt :

La Cour supérieure de justice de l’Ontario a statué que les restrictions de capacité sur les services religieux constituaient une violation de la liberté de religion en vertu du paragraphe 2 a) de la Charte, car elles affectaient la capacité des Églises à se livrer à l’activité la plus essentielle à leur identité : la capacité, pour les fidèles, d’exercer leur culte tous ensemble.

La Cour a rejeté l’argument de l’Ontario selon lequel les Églises auraient pu répondre à ce besoin au moyen de multiples services en personne ou de rassemblements virtuels. Elle a donc reconnu, comme l’insistaient les Églises, que la pratique de leur foi exigeait le rassemblement de tous les fidèles en personne au même moment, et que les méthodes de rechange proposées ne pouvaient pas combler ce besoin.

Toutefois, la Cour a statué que les restrictions étaient justifiées en vertu de l’article 1 de la Charte. L’objet des restrictions, soit de prévenir la maladie et la mort, constituait un objectif urgent et d’importance cruciale, qui pouvait justifier l’atteinte.

Il existait en outre clairement un lien de causalité entre les restrictions et cet objectif légitime, compte tenu notamment des risques uniques de transmission liés à la participation à des activités religieuses, comme de se réunir en groupe pendant de longues périodes et de chanter en commun, lesquelles constituent des pratiques répandues.

La Cour a statué, en s’appuyant sur les preuves scientifiques dont disposait l’Ontario au moment de l’imposition des restrictions, que ces dernières s’inscrivaient dans une gamme de solutions de rechange raisonnables. En outre, elles avaient été soigneusement conçues et modifiées de manière à porter atteinte aussi peu que possible à la liberté de religion, étant limitées dans leur durée et selon les régions. Pour terminer, la Cour a statué que l’atteinte aux libertés religieuses posée par les restrictions était compensée par leur incidence positive sur la société dans son ensemble, puisque son but était de réduire les taux d’infection et de prévenir la maladie et les décès.

Vous pouvez lire la décision complète ici (en anglais seulement).