Le 20 juillet 2020, la Cour divisionnaire, dans l’affaire Pereira v. Hamilton Police Services Board, 2022 ONSC 4150, a statué que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) avait commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique à la demande tardive de Mme Pereira de réactiver sa requête en vertu de la règle 14 des Règles de procédure (Règles) du TDPO.
En 2013, Mme Pereira a présenté une requête au TDPO. En 2014, le TDPO reportait ladite requête pour quatre ans jusqu’à la conclusion d’une autre procédure judiciaire. Mme Pereira a déposé sa demande de réactivation avec 40 jours de retard en raison d’une inadvertance de la part de son avocat. Le TDPO a conclu que Mme Pereira n’avait pas fourni une explication de bonne foi pour justifier son retard et a décidé qu’il n’était pas nécessaire prendre le préjudice en considération. Le TDPO a donc rejeté la demande de réactivation de Mme Pereira et rejeté sa requête. Mme Pereira a demandé au TDPO de réexaminer sa décision (en vertu de l’article 26 des Règles) et sa demande a été rejetée.
La décision du TDPO était fondée sur son interprétation de la règle 14 des Règles, qui accorde au Tribunal le pouvoir discrétionnaire de reporter l’examen d’une requête. Toutefois, en vertu de la règle 14.4, lorsqu’une requête a été reportée en attendant l’issue d’une autre instance, la demande de réactivation de la requête doit être présentée dans les 60 jours suivant la conclusion de l’autre instance. En outre, la règle 1.7 fournit des directives supplémentaires sur la question, car « Afin d’assurer le règlement équitable, juste et expéditif de toute question dont il est saisi, le Tribunal peut prendre les mesures suivantes : a. proroger ou abréger tout délai prescrit dans les présentes Règles ». Toutefois, le TDPO a appliqué le critère prévu au paragraphe 34(2) du Code, qui prévoit qu’une personne qui croit qu’il y a eu atteinte à ses droits peut présenter une requête au TDPO en vue d’obtenir réparation dans l’année suivant l’incident auquel se rapporte la requête. Le paragraphe 34 (2) prévoit la prorogation de ce délai si le TDPO est convaincu que « le retard s’est produit de bonne foi et qu’il ne causera de préjudice important à personne ».
La Cour divisionnaire a conclu que le TDPO avait commis trois erreurs en appliquant le critère du paragraphe 34 (2). Premièrement, le TDPO a décidé de manière déraisonnable, en adoptant le critère prévu au paragraphe 34(2) du Code, de limiter le vaste pouvoir discrétionnaire dont il dispose en vertu des règles 14.4 et 1.7. Ce résultat n’est aucunement justifié par le libellé du Code. En fait, la Cour a plutôt conclu au contraire. Elle a fait référence à l’article 40 du Code qui oblige le TDPO à « adopt[er] les procédures et pratiques prévues dans ses Règles ou qui sont par ailleurs à sa disposition et qui, à son avis, constituent le meilleur moyen pour parvenir à un règlement équitable, juste et expéditif quant au bien-fondé des requêtes ». En outre, l’article 41 du Code exige que le Tribunal interprète ses Règles de manière libérale afin de lui permettre de « facili[ter] le règlement équitable, juste et expéditif quant au bien-fondé des questions dont il est saisi. ».
Deuxièmement, le TDPO s’est appuyé de manière déraisonnable sur une jurisprudence antérieure, dont la décision dans l’affaire Marc-Ali c. Graham, 2012 HRTO 502. La Cour a noté que le TDPO s’est fondé à tort sur la décision Marc-Ali, car elle ne fait pas autorité en ce qui concerne la proposition sur laquelle le TDPO s’est appuyé en l’espèce. En fait, selon la décision Marc-Ali, l’examen du préjudice doit être effectué même lorsque l’explication liée au délai n’est pas raisonnable. Par ailleurs, le TDPO s’est appuyé sur une autre affaire, Ouwroulis c. New Locomotion, 2009 HRTO 335, pour justifier sa décision d’importer le critère du paragraphe 34(2) dans la règle 14.4. La Cour a toutefois noté que l’affaire Ouwroulis n’avait rien à voir avec les demandes de réactivation tardives ni avec le critère applicable à de telles demandes, qui est articulé à la règle 1.7 des Règles.
Troisièmement, le TDPO a également importé de manière déraisonnable la jurisprudence liée au paragraphe 34(2) dans son analyse de la question de savoir s’il acceptait l’explication de Mme Pereira concernant le retard. Cette explication reposait sur une preuve incontestée de l’inadvertance de l’avocat. Or, le TDPO n’a cité aucune affaire dans laquelle une demande tardive de réactivation a été rejetée lorsque le retard était fondé sur une inadvertance non contestée de l’avocat. Mme Pereira a présenté plusieurs affaires où le contraire s’est produit, et bien que le TDPO ait reconnu ce courant jurisprudentiel, il l’a rejeté de façon déraisonnable en faveur de la jurisprudence relative au paragraphe 34 (2), même si le critère en litige n’était pas celui du paragraphe 34 (2).
La Cour divisionnaire a renvoyé l’affaire au TDPO pour une nouvelle audience. Elle a souligné que le TDPO peut exercer un vaste pouvoir discrétionnaire qui comprend la prise en considération d’un certain nombre de facteurs pertinents, dont l’explication du retard, la question du préjudice causé aux parties par le court délai et possiblement, le bien-fondé de la requête.
Pour plus de renseignements sur cette affaire, veuillez lire :
Pereira v. Hamilton Police Services Board, 2022 ONSC 4150 (ang. seul.)