Dans Sharma c. Toronto (City), 2020 HRTO 949 (CanLII), le Tribunal des droits de la personne (TDPO) s’est penché sur une requête en contestation du nouveau règlement municipal 541-2020 de la Ville de Toronto. En vigueur depuis le 7 juillet 2020, ce règlement municipal exige que les entreprises et autres établissements ouverts au public adoptent une politique garantissant qu’aucune personne ne portant pas de masque ou de couvre-visage ne soit autorisée à entrer dans un espace fermé ou à s’y trouver. La Ville a adopté ce règlement municipal provisoire dans le but de freiner la propagation de la COVID-19.

L’affaire :

Le requérant a allégué qu’un certain nombre d’entreprises ont refusé de le servir parce qu’il ne portait pas de masque ou de couvre-visage. Le requérant a également affirmé que la Ville a fait preuve de discrimination à son endroit sachant qu’il ne pouvait pas porter de masque en raison d’un handicap, mais qu’il a néanmoins été privé de services, le tout contrairement au Code. La requête contenait le passage suivant [Traduction] :

Handicap. Mes fonctions corporelles sont altérées par le port d’un couvre-visage, car celui-ci entrave ma respiration. J’ignore si le fait de ne pas pouvoir porter un masque est considéré comme un handicap, mais je sais que je ne peux pas porter de masque en raison d’un problème corporel/biologique/de santé. Bien que je comprenne que le règlement municipal prévoit des exemptions pour les « personnes ayant un problème de santé sous-jacent qui les empêche de porter un masque ou un couvre-visage », les personnes ayant un handicap ou souffrant d’un problème de santé ne devraient pas subir l’affront de devoir expliquer ou démontrer leur problème aux entreprises/établissements, car cela est humiliant et angoissant. En Ontario, les entreprises ne sont pas autorisées à questionner une personne au sujet de son état de santé.

La réponse de la Ville :

La Ville a déposé une motion au TDPO en vue d’obtenir que la requête soit rejetée de manière préliminaire au motif que le requérant n’avait aucune chance d’obtenir gain de cause lors d’une audience sur le fond. Le TDPO a déterminé que le requérant avait un handicap au sens du Code et s’est ensuite penché sur la question principale, soit celle de savoir s’il y a eu violation du Code. Le TDPO a souligné que le règlement municipal reconnaît que les entreprises ont l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes ayant un handicap. Le règlement exige qu’une des politiques des entreprises prévoie certaines exemptions, y compris pour les personnes qui ne peuvent pas porter de masque pour des raisons médicales [Traduction] :

  1. a) La politique doit prévoir des exemptions à l’obligation de porter un masque ou un couvre-visage pour les personnes suivantes :

(2) les personnes ayant un problème de santé sous-jacent qui les empêche de porter un masque ou un couvre-visage;

(5) les personnes pour lesquelles le fait de ne pas porter de masque ou de couvre-visage constitue une mesure d’adaptation raisonnable en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

Les résultats :

Le requérant a fait valoir que les entreprises qui ont refusé de le servir ont contrevenu au règlement municipal. Il importe toutefois de souligner que le requérant n’a pas déposé de requêtes à l’encontre de chacune des entreprises elles-mêmes. Le TDPO a conclu que le requérant a fait le choix de ne pas déposer de requêtes à l’encontre des différentes entreprises qui, selon ses dires, ont refusé de le servir et que, par conséquent, il n’existait aucun fondement permettant d’attribuer à la Ville la conduite alléguée de ces entreprises. Au final, le TDPO a conclu qu’il n’y avait pas eu discrimination de la part de la Ville elle-même et que le règlement municipal exigeait que la politique des entreprises prévoie des exemptions pour les personnes ayant un problème de santé sous-jacent ou ayant autrement besoin de mesures d’adaptation en vertu du Code.

Fonctionnement du règlement municipal de Toronto :

Le règlement exige en outre que la politique des entreprises n’oblige pas les personnes demandant une exemption à fournir une preuve. Dans les circonstances, le TDPO a conclu que la Ville ne pouvait pas être blâmée pour la conduite alléguée d’entreprises ayant possiblement appliqué le règlement de façon erronée. La Ville ne pouvait pas être tenue responsable de la conduite alléguée de ces entreprises qui ont refusé de fournir des services. La requête déposée contre la Ville a été rejetée parce qu’elle ne présentait aucune perspective raisonnable de succès, sachant que le requérant n’avait reproché aucun déni de service à la Ville elle-même, mais plutôt à différentes entreprises.

Cette affaire illustre certaines des tensions que les politiques publiques engendrent entre l’objectif légitime de protéger la santé et d’assurer la sécurité des Ontariens et l’obligation consacrée par le Code de tenir compte des besoins d’une personne liés à son handicap. En vertu du Code, les entreprises ainsi que les magasins et autres organisations ont l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation en réponse aux besoins individuels légitimes liés à la COVID-19, sauf si ces mesures d’adaptation leur causent un préjudice injustifié du point de vue des coûts ou de la santé et de la sécurité. Dans certains cas, des exemptions au port du masque peuvent être nécessaires pour tenir compte des besoins de certaines personnes en vertu du Code. De plus, dans certains cas et selon la situation, les personnes handicapées peuvent devoir confirmer, si on leur en fait la demande, leurs besoins en matière de mesures d’adaptation relevant du Code.

De plus amples renseignements au sujet de la COVID-19 et du Code sont accessibles à l’adresse suivante : http://www.ohrc.on.ca/fr/centre_des_nouvelles/la-covid-19-et-le-code-des-droits-de-la-personne-de-l%E2%80%99ontario%C2%A0%E2%80%93-questions-et-r%C3%A9ponses

Vous trouverez de plus amples renseignements sur le règlement municipal de la Ville à l’adresse suivante : https://www.toronto.ca/news/mandatory-masks-or-face-covering-bylaw-in-effect-today/