Selon la décision provisoire Weilgosh, le TDPO et les arbitres de grief partagent la compétence sur les réclamations liées au milieu de travail syndiqué.
Le TDPO conclut que les arbitres en droit du travail ont une compétence concurrente en vertu du Code pour statuer sur les revendications de droits de la personne dans les milieux de travail syndiqués dans l’affaire Weilgosh c. London District Catholic School Board.
Dans l’affaire Weilgosh c. London District Catholic School Board, 2022 HRTO 1194 (Weilgosh), le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (HRTO) a examiné des demandes de rejet de deux demandes fondées sur la décision récente de la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire Northern Regional Health Authority c. Horrocks, 2021 CSC 42 (Horrocks). L’intimée Horrocks a conclu que les arbitres en droit du travail au Manitoba ont compétence exclusive sur toutes les questions relatives à la convention collective entre l’employeur et le syndicat dans les lieux de travail syndiqués.
Les plaintes relatives aux droits de la personne et les employés syndiqués :
Tous les lieux de travail syndiqués ont une convention collective, qui consiste en un contrat écrit négocié par l’employeur et le syndicat et qui énonce les conditions d’emploi, comme le salaire et les heures de travail, ainsi que les droits et obligations des employés, de l’employeur et du syndicat qui sont assujettis au contrat. Toute convention collective comporte un renvoi au Code des droits de la personne (le Code) et intègre les droits qui y sont énoncés dans la convention collective.
Chaque convention collective prévoit un processus de règlement des questions soulevées entre les parties, qui comprend le dépôt d’un grief par le syndicat, qui passe ensuite par la médiation, puis par une audience devant un arbitre de griefs. Puisque le Code est intégré à chaque convention collective, les employés syndiqués peuvent soulever des questions de droits de la personne en demandant à leur syndicat de déposer un grief en leur nom.
En Ontario, les employés syndiqués ne peuvent pas poursuivre directement leurs employeurs pour des litiges liés à l’emploi. Ces questions relèvent de la compétence exclusive d’un arbitre de griefs et doivent être tranchées par la procédure de règlement des griefs prévue dans leur convention collective. Cela est dû au paragraphe 48(1) de la Loi sur les relations de travail, lequel est une disposition obligatoire de règlement des différends qui stipule que tous les différends découlant de la convention collective entre les parties doivent être réglés par voie d’arbitrage 1.
Il y a toujours eu une exception à cette compétence exclusive en matière de droits de la personne, sur laquelle les tribunaux des droits de la personne comme le TDPO ont également compétence 2. En raison de cette compétence concurrente, les employés syndiqués en Ontario ont eu la possibilité de choisir de présenter un grief ou une demande au TDPO relativement à des plaintes en matière de droits de la personne liées à l’emploi.
La décision Horrocks :
Dans l’affaire Horrocks, la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que la compétence exclusive des arbitres du travail au Manitoba comprenait les plaintes en matière de droits de la personne. À la suite de cette décision, la Commission des droits de la personne du Manitoba n’a plus compétence pour entendre les plaintes en matière de droits de la personne déposées par des travailleurs syndiqués, ces demandes ne pouvant être traitées que par la procédure de règlement des griefs.
La CSC en est arrivée à cette conclusion en se fondant sur son interprétation des lois du Manitoba en matière de droits de la personne et de relations de travail. La Loi sur les relations de travail du Manitoba comporte une disposition obligatoire sur le règlement des différends comme celle de l’Ontario, qui confère aux arbitres de griefs une compétence exclusive sur toutes les questions découlant de la convention collective. Dans son examen du Code des droits de la personne du Manitoba, la CSC a fait remarquer que la loi doit démontrer que le législateur manitobain voulait que la Commission des droits de la personne du Manitoba ait une compétence concurrente avec les arbitres du travail afin d’écarter la compétence exclusive prévue par la Loi sur les relations de travail. À titre d’exemple de l’intention du législateur d’accorder une compétence concurrente, la CSC a souligné la capacité de reporter une demande en attendant la conclusion d’un grief, comme le prévoient le Code des droits de la personne et la Loi canadienne sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique.
La CSC a conclu qu’il n’y avait pas d’expression d’une telle intention de compétence concurrente dans le Code du Manitoba et que la compétence exclusive des arbitres du travail sur toutes les questions découlant de la convention collective n’était pas écartée.
Horrocks et le Code de l’Ontario :
Les deux requérantes, Karen Weilgosh et Geraldine McNulty, travaillaient toutes deux dans un milieu syndiqué. Madame Weilgosh, qui a retenu les services du Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne à titre d’avocat pour sa demande, était enseignante au London District Catholic School Board. Madame McNulty était policière au service de police régional de Peel. Toutes deux ont présenté des requêtes au TDPO au sujet de problèmes survenus dans leur milieu de travail. Leurs syndicats avaient également déposé des griefs sur ces questions liées à leurs milieux de travail, en vertu des conventions collectives qui régissaient ces derniers.
Après la publication de la décision dans l’affaire Horrocks, les employeurs dans les deux affaires ont déposé des demandes de rejet des requêtes de mesdames Weilgosh et McNulty. Ils ont fait valoir que l’arrêt Horrocks devait s’appliquer en Ontario et que le TDPO n’avait pas compétence sur les demandes déposées par des employés syndiqués. Le TDPO a entendu les deux requêtes ensemble et a constitué un comité de trois membres pour l’audience.
Le TDPO a jugé que la décision dans l’affaire Horrocks ne s’applique pas en Ontario :
Dans l’affaire Weilgosh, le TDPO a conclu que le Code démontrait clairement l’intention du législateur d’accorder une compétence concurrente en matière de droits de la personne. L’article 45 confère au TDPO le pouvoir de reporter des demandes comme celles des tribunaux des droits de la personne de la Colombie-Britannique et du Canada, qui ont toutes deux été citées dans l’arrêt Horrocks comme exemples de l’intention du législateur de conférer une compétence concurrente. Cette intention était également démontrée par l’inclusion de l’article 45.1, qui permet au TDPO de rejeter une requête lorsque l’essentiel de la requête a été traité de manière appropriée dans une autre instance.
Selon la décision dans l’affaire Weilgosh, le TDPO a une compétence concurrente pour trancher les plaintes de discrimination et de harcèlement qui relèvent de la portée d’une convention collective. Les employés syndiqués de l’Ontario ont toujours le choix de présenter une plainte en matière de droits de la personne par voie de grief ou de demande au TDPO.
Le London District Catholic School Board a déposé une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour divisionnaire de l’Ontario. Une audience devrait avoir lieu à la fin du printemps ou au début de l’été 2023.
1 voir Weber c. Ontario Hydro, 1995 CanLII 108 (SCC))
2 voir Ontario (Human Rights Commission) c. Naraine, 2001 CanLII 21234 (ONCA)