Les étudiants-es internationaux ne sont pas des intrus
Pourvoi en appel concernant les droits de la personne d’un étudiant international à la Cour d’appel
Par Ena Chadha
Les étudiants internationaux qui viennent au Canada dans l’espoir de poursuivre une carrière enrichissante se voient souvent refuser de telles possibilités en raison de leur statut de citoyenneté. Leur parcours n’est pas chose simple; ils doivent composer avec des frais exorbitants, des obstacles bureaucratiques et des comportements discriminatoires. Pourtant, on s’attend à ce qu’ils s’abstiennent de toute critique et à ce qu’ils soient reconnaissants simplement parce qu’ils sont autorisés à étudier ici. Pour Muhammad Taimoor Haseeb, ce fardeau trop familier dure depuis plus de huit ans.
Il est un étudiant international ayant fait ses études au Canada et il espère toujours obtenir son statut de résident permanent. M. Haseeb s’est vu refuser un emploi idéal en raison de son statut de citoyenneté. Plus de 3 ans après s’être vu accorder 116 000 $ en dommages-intérêts par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « TDPO ») parce qu’il avait été victime de discrimination de la part de son employeur potentiel, la Compagnie pétrolière Impériale Ltée, son histoire a été entendue par la Cour d’appel de l’Ontario la semaine dernière.
Haseeb est originaire du Pakistan, et il s’est installé au Canada en 2009 pour étudier le génie mécanique à l’Université McGill, où il a obtenu son diplôme en décembre 2014. À l’automne de cette année-là, il a postulé à un emploi d’ingénieur à la Compagnie pétrolière Impériale. La société a classé Haseeb au premier rang parmi les candidats et lui a offert un emploi. Lorsque les dirigeants ont découvert qu’il n’avait pas sa résidence permanente, l’offre d’emploi a été annulée, affirmant que la citoyenneté et/ou le statut de résident permanent sont des conditions préalables à l’emploi. À l’époque, Haseeb était muni d’un visa d’étudiant et s’attendait à recevoir un permis de travail d’une durée de trois ans. Il prévoyait obtenir sa résidence permanente après ces trois années. Néanmoins, la Compagnie pétrolière Impériale a refusé de l’employer parce qu’il n’était pas résident permanent.
Représenté par le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, Haseeb a intenté son procès contre la Compagnie pétrolière Impériale au nom des droits de la personne. Le TDPO a conclu que le fait de ne pas avoir obtenu sa citoyenneté canadienne était un facteur ayant empêché l’embauche pour le poste qui lui avait été offert initialement. La Compagnie pétrolière Impériale a soumis une requête de révision judiciaire et, en juin 2021, la Cour divisionnaire a déterminé que la décision du TDPO de se fonder sur le statut de citoyenneté pour éviter les traitements différentiels défavorables en raison d’un statut de résidence permanente était déraisonnable.
La Cour d’appel a entendu les arguments dans l’affaire de Haseeb la semaine dernière. La Cour d’appel devra maintenant décider si le TDPO avait raison de protéger Haseeb en vertu des droits de la personne en raison de son statut de citoyenneté ou s’il a été victime de discrimination indirecte par la Compagnie pétrolière Impériale lorsque l’offre d’emploi a été retirée. Espérons que la Cour d’appel reconnaîtra que le statut de citoyenneté de Hasseb est la cause du rejet de la part de la Compagnie pétrolière Impériale et qu’il s’agissait d’un traitement injuste conformément aux droits de la personne liés au statut de citoyenneté.
Alors que le gouvernement fédéral assouplit les restrictions en matière d’emploi pour les étudiants internationaux afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans la foulée de la pandémie, il est essentiel que les législateurs et les décideurs reconnaissent la valeur énorme que les étudiants internationaux ajoutent au bien-être culturel et économique du Canada. Refuser un emploi à des étudiants qui sont en voie d’obtenir une résidence permanente ne peut être justifié par une interprétation étroite et désuète du concept de citoyenneté.
Les étudiants internationaux détenant un permis de travail au Canada en vue d’obtenir une résidence permanente ne doivent pas être traités comme des intrus. Il est temps de reconnaître les talents variés, ainsi que les compétences en matière d’adaptation et de résilience qu’apportent les immigrants et les étudiants internationaux alors qu’ils font de grands efforts pour prouver leur valeur pour notre nation. La Cour d’appel a maintenant une occasion de rectifier la situation et de mettre fin à un contexte obsolète où les immigrants sont vus comme des ouvriers et sont minimalement récompensés pour leurs efforts tout en devant rester reconnaissants. Infirmer la décision de la Cour divisionnaire pourrait avoir des répercussions durables sur la protection des droits des immigrants partout au pays et sur la qualité de vie des nouveaux arrivants qui contribuent à faire de notre pays une riche mosaïque.
Ena Chadha est présidente du Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne.