La Cour divisionnaire annule la décision de l’arbitre du travail qui a appliqué de façon incorrecte le critère d’établissement de la preuve prima facie de discrimination

Dans l’affaire Association of Management, Administrative and Professional Crown Employees of Ontario v. Ontario (Ministry of the Attorney General), 2024 ONSC 1555 (en anglais seulement), la Cour divisionnaire a annulé la décision de l’arbitre du travail sur un grief alléguant un parti pris anti-Noirs dans une enquête sur le lieu de travail. Le grief concernait une altercation entre la plaignante, une femme noire, et une collègue blanche après qu’elles se soient heurtées dans un couloir. La plaignante croyait que la collègue l’avait poussée intentionnellement, ce qui, selon elle, était accidentel.

Résultat de l’arbitrage :

Après que la plaignante a signalé l’incident à sa cheffe de service, l’employeur a chargé un avocat de race blanche de mener une enquête. L’enquêteur a constaté que l’incident ne s’était pas produit comme la plaignante l’avait décrit et a conclu qu’elle avait inventé l’incident pour obtenir une compensation financière.

L’arbitre a conclu que l’enquête avait été entachée d’un vice de procédure, mais que la plaignante n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la race avait joué un rôle dans les résultats de l’enquête.

Décision de la Cour divisionnaire

La Cour divisionnaire a estimé que l’arbitre avait commis une série d’erreurs, appuyant sa conclusion sur le fait qu’il avait mal compris le critère approprié d’établissement de la preuve prima facie de discrimination :

  • L’arbitre a appliqué un critère juridique incorrect en concluant que la plaignante n’avait pas réussi à établir la preuve prima facie de discrimination parce qu’elle n’avait pas démontré que la race était la « possibilité dominante ». Il n’est pas nécessaire que le motif illicite soit la seule raison ou la raison prédominante d’un traitement défavorable. Il suffit qu’il soit un facteur dans le processus de prise de décisions.
  • L’arbitre a confondu deux étapes du cadre analytique, qui exige d’abord de déterminer si la plaignante avait établi la preuve prima facie de discrimination et ensuite d’examiner le fardeau de présentation qui incombe à l’employeur qui doit fournir une explication non discriminatoire à cette différence de traitement.
  • L’arbitre a déclaré à tort que la plaignante avait besoin d’une preuve réelle de paroles ou de comportement pour établir que l’enquêteur avait inconsciemment un parti pris contre elle. Une preuve directe n’est pas nécessaire, et la discrimination sera souvent prouvée par des preuves circonstancielles et par inférence.
  • L’arbitre, en insistant sur le fait qu’il doit y avoir des preuves réelles à l’appui d’une conclusion de partialité inconsciente, a écarté la preuve d’expert fournie par la plaignante sur les indices de partialité inconsciente qui correspondaient à un certain nombre de conclusions qu’il a tirées.
  • L’employeur n’ayant fourni aucune preuve à l’appui des actions de l’enquêteur, l’arbitre a tiré ses propres conclusions en se fondant uniquement sur des spéculations quant aux motifs de l’enquêteur. En plus de tirer des conclusions qui ne sont pas étayées par des preuves, l’arbitre a effectivement dispensé l’employeur de réfuter les preuves de la plaignante et a imposé à cette dernière la charge de réfuter l’existence d’explications non discriminatoires possibles.

La Cour a renvoyé l’affaire à l’arbitre pour qu’il statue de nouveau en tenant compte des orientations fournies par la Cour.


Prima facie

 Un terme latin signifiant « selon la première impression » ou « accepté comme exact jusqu’à preuve du contraire ». Une preuve prima facie consiste en une preuve suffisante, de la part d’un requérant, pour établir sa cause à première vue, avant qu’elle ne soit réfutée. À titre d’exemple : devant le TDPO, une requête doit établir une preuve prima facie de discrimination avant qu’un intimé soit légalement obligé de présenter une preuve pour se défendre contre la discrimination alléguée.