À la suite d’une demande d’épilation à la cire de ses jambes en préparation à une cérémonie pour souligner son travail dans sa communauté, A.B.(dont le nom complet a été caviardé aux fins d’anonymat), une femme trans autochtone, s’est retrouvée au cœur d’un lynchage médiatique qui l’a laissée traumatisée et lui a fait craindre pour sa sécurité. Dans la requête pour atteinte aux droits de la personne qu’elle a présentée au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO), A.B. a allégué avoir été victime d’une série de comportements discriminatoires et de représailles de la part de Mad Wax Windsor Inc. et de son propriétaire, Jason Caruthers, dont la publication d’un communiqué de presse, la formulation de commentaires auprès des médias, et la circulation de la plainte initiale qu’elle avait présentée au TDPO après s’être vue refusée, par le salon, la prestation de services d’épilation à la cire pour ses jambes.
En contre-interrogatoire, le TDPO a entendu que M. Caruthers a maintes fois mégenré A.B. en la qualifiant d’homme ou en alléguant qu’elle avait une anatomie masculine, même si celle-ci ne lui avait jamais dit qu’elle avait des parties génitales masculines. Dans les commentaires qu’il a formulés auprès des médias, M. Caruthers a également admis avoir faussement décrit la demande d’épilation des jambes comme étant une demande d’épilation des poils pubiens lorsqu’il a parlé de l’interaction qu’il avait eue avec A.B.
Le premier contact entre A.B. et Mad Wax a eu lieu en 2018, lorsqu’A.B. a communiqué avec le salon par téléphone en vue de se fixer un rendez-vous. Le TDPO, qui a tranché l’affaire A.B. c. Mad Wax Windsor Inc., 2024 TDPO 721, a entendu dire que lors de sa conversation téléphonique avec M. Caruthers, A.B. s’était fait mégenrer et M. Caruthers avait refusé de lui offrir des services, en énonçant qu’il ne fournissait pas de services à « quelqu’un comme [elle] ».
À la suite de cette interaction, A. B. a déposé une requête pour atteinte aux droits de la personne auprès du TDPO. M. Caruthers a par la suite publié un communiqué de presse et formulé des commentaires à plusieurs organes de presse, dans le cadre desquels il a de nouveau mégenré A.B., a présenté de manière inexacte la demande d’épilation à la cire d’A.B. ainsi qu’a divulgué le nom et les coordonnées de cette dernière.
« Depuis 2012, le Code des droits de la personne de l’Ontario interdit la discrimination motivée par l’identité et l’expression de genre, » souligne Megan Evans Maxwell, l’avocate d’A.B., qui est affiliée au Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne. « Le Code indique clairement que les entreprises ne peuvent pas s’appuyer sur les préférences préjudiciables de leurs clients ou de leur personnel pour décider à qui elles offrent des services. »
En contre-interrogatoire, le TDPO a entendu que M. Caruthers a maintes fois mégenré A.B. en la qualifiant d’homme ou en alléguant qu’elle avait une anatomie masculine, même si celle-ci ne lui avait jamais dit qu’elle avait des parties génitales masculines. Dans les commentaires qu’il a formulés auprès des médias, M. Caruthers a également admis avoir faussement décrit la demande d’épilation des jambes comme étant une demande d’épilation des poils pubiens lorsqu’il a parlé de l’interaction qu’il avait eue avec A.B.
« Il est extrêmement préoccupant que l’on tente d’humilier une femme trans autochtone pour avoir simplement voulu faire valoir ses droits, » dénonce Quinn Read-Baxter, membre du Comité de sensibilisation des services aux Autochtones du CAJDP qui a aussi travaillé sur l’affaire d’A.B. « Les intimés doivent user de prudence pour éviter de diffuser des renseignements sur un requérant ou une requérante, car le TDPO peut interpréter ce type de sortie médiatique préliminaire comme étant une forme délibérée de représailles violant les droits de la personne. »
Les efforts des intimés pour diffuser les renseignements personnels d’A.B., y compris son nom, ses coordonnées et les détails de sa plainte, ont suscité une grande détresse chez A.B. Le TDPO a souligné que les communications des intimés avec des organes de presse ont « lancé un débat public non consensuel sur le statut de la transition physique [d’A.B.] », ce qui est très traumatisant. Les répercussions des représailles ont également causé une récurrence du problème de toxicomanie de la requérante, ce qui a entraîné la perte de son emploi et la désintégration de son mariage. Au bout du compte, la requérante a senti qu’elle ne pouvait plus demeurer dans sa communauté.
« Historiquement, » soutient Evans Maxwell, « les éléments de notre société qui cherchent à exclure les communautés 2ELGBTQ+ n’hésitent pas à accuser celles-ci d’être provocatrices et importunes pour le seul fait de vouloir jouir dignement et en toute sécurité de la vie quotidienne. Cette affaire démontre clairement la nature souvent unilatérale des dommages causés par les propos harcelants et discriminatoires. »
Dans sa décision, le TDPO a statué que le communiqué de presse de l’intimé et les interactions qu’il avait eues avec les médias avaient pour but de dépeindre la requérante comme étant une personne menaçante et dangereuse et de miner sa plainte pour atteinte aux droits de la personne.
Après avoir entendu les preuves présentées par la requérante et avoir déterminé que l’intimé ne pouvait pas réfuter les dommages que la requérante avait subis, le TDPO a conclu que les actions des intimés « ont attaqué l’identité fondamentale de la requérante, et ce, de manière très publique. » Le TDPO a ordonné aux intimés de verser à A.B. des dommages-intérêts de 35 000 dollars pour la détresse mentale qui lui avait été causée, en plus d’ordonner à M. Caruthers et au personnel du salon de suivre une formation en ligne sur les droits de la personne.
« Cette décision m’apporte une certaine tranquillité d’esprit, » affirme A.B. « Aucun communiqué de presse ne peut me faire taire, ni passer sous silence les faits établis par cette décision. Cette dernière contribue à relayer l’histoire de la discrimination dont j’ai été victime et des mesures qui ont été prises pour aggraver la discrimination et le harcèlement à mon encontre. »